Intervenant lors d’une matinée de socialisation sur l’Agenda « Femmes, Paix et Sécurité », le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya Katembwe, a appelé à un changement de regard sur les grossesses précoces en milieu scolaire. Cette rencontre, organisée à l’Hôtel Sultani par ONU Femmes et l’Ambassade de Norvège en RDC, a permis au porte-parole du gouvernement de défendre une approche fondée sur le dialogue, la responsabilité collective et l’inclusion.
S’appuyant sur les données récentes de l’Enquête Démographique et de Santé (EDS-RDC III, 2023–2024), le ministre a souligné qu’environ 20 % des jeunes filles âgées de 15 à 19 ans en RDC ont déjà connu une grossesse, avec une prévalence plus marquée en milieu rural. Il a dénoncé le phénomène persistant d’exclusion scolaire des filles enceintes, qu’il qualifie d’injuste et contre-productif.
« Faut-il priver une élève enceinte de son droit à l’éducation, au risque d’aggraver sa marginalisation et de compromettre son avenir ? », s’est interrogé le ministre.
Patrick Muyaya a rappelé que derrière chaque grossesse précoce, il y a un partenaire, et que l’accusation ne doit pas reposer uniquement sur la jeune fille. « C’est une responsabilité de société », a-t-il insisté. Selon lui, les écoles, les familles, les médias et l’ensemble de la communauté doivent unir leurs efforts pour prévenir ces situations et accompagner les adolescentes concernées avec dignité.
Il a également critiqué le manque d’éducation sexuelle dans de nombreuses écoles, notamment celles gérées par des confessions religieuses, alors même que les jeunes sont exposés à une multitude de contenus en ligne sans filtre ni accompagnement.
S’adressant directement aux professionnels des médias, le ministre les a invités à jouer un rôle de sensibilisation plutôt que de stigmatisation. Il les a encouragés à produire des contenus éducatifs sur la sexualité, la santé reproductive et les comportements à risque, contribuant ainsi à une éducation sans tabou.
« Aujourd’hui, les jeunes sont submergés de contenus non filtrés. Sans encadrement, les risques se multiplient », a-t-il averti, comparant l’époque actuelle à celle où l’ORZT, devenu RTNC, représentait la seule source médiatique.
L’intervention du ministre s’inscrit dans le contexte du débat actuel autour de la décision du Ministère de l’Éducation nationale et de la Nouvelle Citoyenneté de maintenir les filles enceintes à l’école. Une mesure saluée par de nombreux acteurs de la société civile et les défenseurs des droits humains, en cohérence avec les engagements internationaux de la RDC, notamment la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) et la CEDEF.
Patrick Muyaya a conclu en affirmant que le maintien des filles enceintes à l’école n’est ni une faiblesse morale ni une complaisance éducative, mais bien un choix de société et un impératif républicain.
Selon lui, assurer la continuité scolaire pour ces adolescentes, c’est rompre un cycle de vulnérabilité, lutter contre la précarité intergénérationnelle et sauver des vies. Il a rappelé qu’environ 29 % des décès maternels concernent des adolescentes, ce qui rend l’enjeu sanitaire encore plus crucial.
Enfin, le ministre a insisté sur l’importance d’impliquer les garçons et les hommes dans les efforts éducatifs, en promouvant notamment une paternité responsable, la lutte contre les violences sexuelles et l’application des lois.
Gracieux Bazege