À Kinshasa, la scène est désormais presque banale. Sur les trottoirs, à l’arrêt de bus, devant les portails ou près des caniveaux, on aperçoit hommes, femmes, parfois même des enfants, en train de se brosser les dents à la vue de tous. Le phénomène, autrefois marginal, est devenu tellement répandu qu’il ne choque plus personne. Et pourtant, il pose de sérieuses questions sur le respect de l’intimité, des valeurs civiques et des repères sociaux dans notre capitale.
Quand l’intimité devient spectacle
Se brosser les dents est un geste d’hygiène personnelle. Mais lorsqu’il se fait en pleine rue, sans aucune pudeur, il devient une forme d’exposition de soi qui interroge. L’espace public est un lieu de vie collective, pas un prolongement de la salle de bain. À force d’habitude, certains Kinois ont fini par banaliser ce comportement, oubliant qu’il traduit une forme de désordre urbain et d’insouciance face au vivre-ensemble.
Il y a, dans ce comportement, une part de désinvolture, mais aussi une part de responsabilité partagée : celle des parents, des bailleurs, et des autorités urbaines.
Bailleurs sans conscience urbaine
Comment peut-on concevoir des maisons à louer sans salle de bain, sans point d’eau accessible ou sans espace réservé à l’hygiène ? Plusieurs bailleurs, surtout dans les communes périphériques, continuent de construire des habitations sans la moindre commodité, forçant ainsi les locataires à faire leur toilette en public. Ce manque d’infrastructures pousse hommes et femmes à exposer leur intimité, avec toutes les conséquences sociales que cela engendre. Il est temps que les urbanistes, architectes et autorités en charge du cadastre imposent des normes minimales de salubrité dans toute construction destinée à la location.
Un modèle dégradant pour les enfants
Plus grave encore, de nombreux parents reproduisent ce geste quotidiennement avec leurs enfants, leur transmettant ainsi l’idée que ce comportement est normal. À quel moment avons-nous accepté de transmettre à la génération future un modèle aussi pauvre en repères de civilité ? L’éducation commence à la maison, et ce qu’un enfant voit chaque matin forge sa conception de la normalité. Parents, sachez que brosser les dents en pleine rue, c’est aussi brosser l’image de vos enfants avec la crasse de l’indécence publique.
Une campagne de sensibilisation s’impose
Face à cette tendance préoccupante, es autorités provinciales et municipales doivent réagir. Une campagne de sensibilisation sur les bonnes mœurs urbaines devient une urgence. Il ne s’agit pas seulement d’hygiène, mais de respect, de décence et de dignité collective. L’image d’une capitale, ce n’est pas que les routes et les bâtiments, c’est aussi le comportement de ses habitants.
Cette analyse n’est pas un jugement, mais un cri d’alarme. La rue n’est pas un lavabo, la société n’est pas une salle de bain, et l’avenir de nos enfants ne peut pas être construit sur des fondations d’indifférence.
Réapprenons à vivre ensemble avec respect. Revalorisons nos espaces, nos comportements et notre dignité.
Joël Ekutshu
