Que retenir de François, figure des “premières fois” ?

Ce lundi 21 avril 2025 à 7h35, le monde s’est figé : Le pape François, 266e souverain pontife, s’est « reposé dans la maison du Père », selon les mots du cardinal camerlingue Kevin Farrell. Premier pape jésuite, premier pape sud-américain, premier à prendre le nom de François en hommage à saint François d’Assise, Jorge Mario Bergoglio laisse derrière lui un pontificat de douze ans à nul autre pareil, fait de gestes audacieux, de réformes inachevées et de luttes parfois solitaires contre les vents contraires de l’institution.

Élu en mars 2013, au lendemain de la renonciation historique de Benoît XVI, le cardinal argentin arrive en terrain miné. À peine assis sur la chaise de Pierre, il bouscule les codes : logé dans une résidence sobre, vêtu simplement, le nouveau pape refuse les ors du Vatican. Rapidement, le monde découvre un pasteur proche des pauvres, souriant et chaleureux, qui préfère bénir un enfant handicapé que discourir longuement.

Mais derrière ce style simple, le pape François est un homme de conviction, de feu et de lutte. Archevêque de Buenos Aires au ton rude et au cœur social, il n’a jamais cessé de dénoncer les dérives du capitalisme sauvage, la culture du rejet, l’indifférence des nations face aux drames migratoires ou encore le saccage de la planète. En 2015, son encyclique Laudato si’ marque un tournant dans la doctrine sociale de l’Église, dénonçant frontalement les pays riches responsables du réchauffement climatique.

Réformes profondes, résistances tenaces-

Avec lui, l’Église semblait vouloir s’ouvrir aux « périphéries », comme il aimait le dire : les exclus, les peuples oubliés, les minorités. Son discours sur les migrants en Grèce, sa main tendue aux musulmans, son ton apaisé sur les homosexuels ou les divorcés remariés ont souvent choqué les milieux conservateurs. L’autorisation donnée aux prêtres de bénir les couples de même sexe en 2023 a provoqué une véritable levée de boucliers dans la curie romaine.

Ses tentatives de réformer l’administration vaticane, assainir ses finances, et d’introduire plus de transparence sur les affaires de pédophilie ont laissé un goût d’inachevé. S’il a levé le secret pontifical et imposé la dénonciation des crimes, les associations de victimes l’ont jugé timide, trop lent à trancher dans le vif. Et lorsque la guerre en Ukraine éclate, sa diplomatie du silence – refusant de nommer la Russie comme agresseur – dérange et divise.

Une santé déclinante, un cœur qui ne lâche rien-

Depuis plusieurs années, le pontife apparaissait affaibli : en fauteuil roulant, essoufflé, parfois contraint de déléguer la lecture de ses discours. Mais jusqu’au bout, il a voulu porter sa mission. Dimanche de Pâques, la veille de sa mort, il saluait encore la foule depuis sa papamobile, visage creusé mais regard vibrant.

Sa volonté d’être enterré dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, et non dans la crypte pontificale traditionnelle, symbolise un homme qui n’a jamais recherché les honneurs, mais toujours la proximité, la simplicité, la miséricorde.

Un legs vivant-

Pour certains, il restera le pape des pauvres, de la justice sociale, de la fraternité universelle. Pour d’autres, un homme clivant, peu soucieux des traditions, trop politique, pas assez dogmatique. Mais tous s’accordent à dire qu’il aura marqué son époque, par son audace, son empathie, et sa volonté d’adapter l’Église à un monde en mutation.

Le conclave qui s’annonce dans les prochaines semaines devra non seulement désigner son successeur, mais aussi répondre à cette question brûlante : vers quelle Église veut-on aller, après François ?

PM

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